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« Pour loger mieux, innovons plus ! »

  • Writer: Christine Auclair
    Christine Auclair
  • Jul 15
  • 9 min read

Par Prudence Adjanohoun, Secrétaire général du Réseau Habitat et Francophonie et Chargé de mission internationale à l’Union sociale pour l’habitat


Le continent africain fait face à un déficit de logement supérieur à 53 millions d’unités[1]. États, collectivités territoriales, aménageurs, financeurs, urbanistes… c’est une mobilisation générale de tous les acteurs que nous observons depuis quelques années.


Cela est inédit et mérite d’être souligné. C’est aussi une belle dynamique en termes d’innovation que nous constatons en réponse à l’urgence ; celle de construire plus de logements, pour tous, mieux et surtout moins cher. Ces innovations, qu’elles portent sur les mécanismes de financement, sur les nouveaux paradigmes à adopter ou sur les nouvelles façons de construire et d’imaginer la ville, s’inscrivent dans une perspective désormais volontariste.


Cet article, loin d’être exhaustif, questionne les nouvelles pratiques, valorise l’action engagée des professionnels sur le terrain et partage aussi quelques bonnes pratiques pouvant servir d’exemple, sinon de modèle. Il confirme que l’innovation - qu’elle soit technique, sociale, managériale ou financière - est désormais au cœur des réponses apportées à la crise du logement.


Dans un contexte de raréfaction des ressources et de forte demande, l’agilité, l’expérimentation et la transformation des pratiques sont devenues des impératifs. Les projets à encourager sont ceux qui conjuguent performance environnementale (sobriété foncière, neutralité carbone), accessibilité économique (logements abordables et durables) et impact social (insertion, lien emploi-logement, lutte contre l’isolement).

Pour mieux structurer l’innovation à l’échelle nationale et internationale, il nous faut agir pour une mutualisation des initiatives, un partage d’expériences réussies, un soutien public renforcé aux projets expérimentaux et une meilleure évaluation de l’impact social et environnemental de ces innovations.


Répondre à l’urgence et aux besoins, construire le plus possible et le moins cher


Le besoin en logement sur les pays africains représente plus de 1 300 milliards de dollars en investissements[2] et nécessite une réponse coordonnée des États et de l’ensemble des acteurs intervenant dans la chaîne de production du logement. À cela s’ajoute une urbanisation rapide, qui accroît chaque année la pression sur l’offre foncière, les services de base et les infrastructures urbaines.


Longtemps considéré comme une politique de seconde zone, le logement est désormais perçu comme un véritable levier économique, un stabilisateur social et un accélérateur de croissance. Ceci, surtout parce que les politiques de logement bien structurées ont fait leurs preuves chaque fois qu’elles ont été abordées à travers des dynamiques coordonnées ; en matière de structuration industrielle de production de matériaux de construction, d’harmonisation des standards techniques et d’un renforcement adapté des mécanismes de financement. Plusieurs exemples sont énoncés en fin d’article.


L’un des freins majeurs identifiés reste l’insuffisance de projets adéquatement préparés techniquement et financièrement. Un autre frein reste l’enjeu de la collecte de données fiables, actualisées dans un partage qui insisterait sur le rôle des observatoires du logement, qui croiserait les bases statistiques et créerait des référentiels communs utiles à l’ensemble des parties prenantes dont : développeurs, gouvernements, collectivités, institutions financières et acquéreurs.


Répondre à la crise du logement par l’innovation et l’échange de bonnes pratiques


Comment assurer le bien-être des 8,5 milliards d'habitants que comptera notre planète en 2030 ? C'est le grand défi de la transition démographique et sociale. C’est également le grand défi du logement où, pour assurer à chacun un toit décent, durable, résilient et surtout à prix abordable, l’innovation et l’adaptation aux nouveaux enjeux sont une condition essentielle de succès.


Les tensions sur le logement sont devenues planétaires. Partout, les prix augmentent plus vite que les revenus, l’offre ne suit pas toujours la demande, les métropoles concentrent les inégalités, et les territoires sont confrontés à une double pression : écologique et sociale. Faire du logement une opportunité d’innovation collective, dans une approche résolument durable et inclusive, reste désormais une priorité.


Les débats qui peuvent se mener dans différentes sphères permettent de poser un constat désormais partagé : la crise actuelle est multifactorielle. Elle résulte à la fois de contraintes économiques (taux d’intérêt élevés, raréfaction des financements publics, difficulté d’obtenir des prêts hypothécaires), d’obstacles fonciers (artificialisation des sols, manque de planification urbaine efficiente et ), de défis climatiques (urgence de la rénovation énergétique, résilience aux canicules) et d’un changement sociologique (vieillissement de la population, nouvelles formes d’habitat, besoins des jeunes et des familles dans une société en transformation).


Le logement abordable, pilier du développement durable, constitue un pivot stratégique pour atteindre plusieurs Objectifs de Développement Durable (ODD), notamment ceux liés à la ville inclusive, à l’accès aux services de base, à la lutte contre les inégalités, à la cohésion sociale et à la transition écologique.


L’une des questions qui se posent à de nombreux pays en développement n’est plus seulement de produire du logement, mais de le produire mieux : au bon endroit, pour les bons publics, dans de bonnes conditions sociétales et organisationnelles. L’urbanisme ne peut plus se penser sans lien avec les mobilités, les services publics, les ressources naturelles et les capacités financières réelles des ménages, ce que nous appelons « les services essentiels ».


À cet égard, les démarches de dissociation entre le foncier et le bâti, les mécanismes de garantie innovants, et l’optimisation du patrimoine existant sont d’excellentes approches et peuvent être perçues comme des voies de transformation structurelle. Elles permettent en partie de dépasser la logique spéculative, de limiter l’étalement urbain et d’accélérer la production de logements accessibles.


L’innovation à 360 degrés : globale, transversale et centrée dans les réalités du terrain

 

L’innovation, qu’elle soit technique, sociale, institutionnelle, financière ou partenariale, doit s’imaginer comme un ensemble. Si l’on pense spontanément aux innovations techniques (bâtiments bas carbone, matériaux durables, numérisation des données, intelligence artificielle), il nous faut également mettre en lumière des pistes tout aussi cruciales, comme l’innovation sociale, l’innovation institutionnelle, l’innovation financière, l’innovation partenariale. Mais d’autres pistes sont aussi importantes, tels les facteurs institutionnels et celui de la transition écologique.


Sur le plan social, le rôle clé du rapprochement entre employeurs et constructeurs, entre États et promoteurs, notamment dans les territoires en reconversion industrielle, est à souligner. Ce lien emploi-logement, encore trop peu exploité, surtout dans les pays en développement, doit désormais permettre d’anticiper les besoins et de sécuriser les parcours résidentiels et professionnels.


Sur le plan institutionnel, l’appui aux politiques publiques, aussi bien aux niveaux local que national, apparaît comme indispensable. Un accompagnement technique, une régulation claire et un dialogue entre acteurs publics et privés sont les garants de la viabilité des stratégies.


Côté financier, des innovations comme les prêts de très longue durée, des mécanismes de financements mixtes publics-privés, et des outils de priorisation des rénovations à l’aide de données en temps réel peuvent être valorisés. L’enjeu est de rendre possible l’investissement dans un contexte où les marges sont réduites et les besoins immenses.

L’innovation doit également répondre à un autre défi, celui de la transition écologique qui s’impose. Le logement est à la fois contributeur au réchauffement climatique et première victime de ses effets. Adapter le parc existant, construire sans artificialiser davantage, intégrer la biodiversité, favoriser la sobriété : ces objectifs sont désormais incontournables.


L’innovation partenariale en matière de logement social, celle qui associe pouvoirs publics, secteur privé et société civile, doit changer d’échelle et permettre de favoriser des solutions locales, sobres et efficaces, répondant aux besoins croissants en logements décents dans des contextes urbains en mutation.

Les canicules à répétition, la pression sur les ressources et l’impératif de performance énergétique imposent des réponses structurelles. Des outils innovants sont déjà à l’œuvre : cartographie énergétique en temps réel, stratégies de rénovation pilotées par l’intelligence artificielle, développement de bâtiments à énergie positive ou basés sur l’économie circulaire.


L’exemple des constructions associées à de grands événements internationaux montre qu’il est possible de construire vite, bien et bas carbone, et d’innover de façon remarquable. À Paris, le village des athlètes construit dans le cadre des Jeux Olympiques sera transformé dès 2025 en 2 800 logements, dont une majorité de logements sociaux et intermédiaires gérés par CDC Habitat. Ce projet associe innovation architecturale, matériaux bas carbone, et mixité sociale durable. Il prouve que les grands événements internationaux peuvent laisser un héritage urbain utile, en répondant à la crise du logement. Un modèle reproductible à l’échelle des villes qui accueille de grands événements internationaux.


Le foncier, clé de voûte de la régulation urbaine


Dans de nombreux pays, le coût du foncier représente désormais la part la plus importante d’un projet immobilier. Face à cette réalité, plusieurs outils émergent : mobilisation des réserves foncières publiques, subventions conditionnées à la vocation sociale des projets, baux à long terme, création de foncières solidaires.

Le logement vertical, encore peu accepté dans certaines cultures, gagne du terrain en réponse à la rareté du foncier en zone urbaine. Le logement en hauteur permet de contourner au moins partierllement ce problème d’accès au foncier par un partage mieux distreibué de la ressource. Mais cette solution suppose un accompagnement sociologique, architectural et réglementaire. Là encore, la mixité sociale et fonctionnelle est un objectif majeur : on ne bâtit plus seulement des logements, mais des quartiers vivants et durables.


La coopération au sein de l’espace francophone : agir vite et avec efficacité


Le 2 octobre 2024, la Caisse des dépôts, le Réseau Habitat et Francophonie et l’Union sociale pour l’habitat ont organisé dans le cadre du Sommet de la Francophonie, un important atelier sur le thème « Loger, innover et coopérer en français ». L’atelier, auquel 50 acteurs venant d’une dizaine de pays ont pu participer, a permis de faire valoir les différentes innovations en cours en matière de logement abordable dans une dimension internationale et francophone. Plusieurs pays ont partagé leurs défis spécifiques – exode rural, informalité, insalubrité, pression démographique – mais aussi leurs réponses originales. Les échanges ont montré que les coopérations peuvent faire émerger des solutions inattendues, en particulier dans les contextes où le secteur privé reste frileux et les cadres réglementaires instables.


Les acteurs présents ont exprimé le besoin d’un réseau francophone de partage de données, d’expériences et d’expertises, permettant d’appuyer les porteurs de projet locaux et d’harmoniser les bonnes pratiques. Cette dynamique de solidarité linguistique et culturelle peut se traduire par des partenariats opérationnels, des transferts de savoir-faire et une mobilisation commune dans les instances internationales.

Plusieurs initiatives ont été saluées pour leur capacité à traduire une politique publique en actions concrètes : programmes d’éradication des bidonvilles, soutien à l’accession abordable, mise à disposition de foncier aux promoteurs responsables, aides à l’auto-construction encadrée. Ces dispositifs montrent qu’avec une vision claire et une ingénierie adaptée, il est possible d’agir à grande échelle.


Toutefois, les défis persistent : difficultés à mobiliser les financements, manque de données fiables pour évaluer les besoins, absence de mécanismes de garantie, faiblesse du dialogue public-privé. L’atelier a donc appelé à une structuration plus robuste de la chaîne de production du logement : de la planification à la gestion, en passant par le financement et la participation des habitants.


Enfin, les débats ont fait émerger un message politique fort : le logement abordable ne peut reposer uniquement sur la volonté d’un seul acteur, quel qu’il soit. Cette responsabilité doit être partagée entre les États, les collectivités, les bailleurs, les entreprises, les citoyens et les organisations internationales, et les usagers eux-mêmes.

L’innovation, si elle est indispensable, ne saurait remplacer le courage politique, la continuité des stratégies publiques et la volonté de considérer le logement, comme le partage du foncier, non comme un bien marchand, mais comme un droit fondamental.

Les participants ont insisté sur la nécessité d’une commande publique responsable, capable d’orienter les choix vers des projets à forte valeur sociale et environnementale. Il s’agit aussi de mieux évaluer les politiques mises en œuvre, d’en mesurer l’impact réel et d’impliquer les habitants dans la construction de leur cadre de vie.


Innover toujours et le faire savoir !


Pour conclure, nous proposons onze projets innovants qui ont été récompensés pour leur contribution remarquable au secteur du logement social dans le cadre des Prix de l’innovation décernés au Congrès Hlm lors des précédentes éditions.


Nouveau projet de logements à Libreville à Bikele Cité Mvett 
Nouveau projet de logements à Libreville à Bikele Cité Mvett 

  1. Label Logement des Hauts – SHLMR (La Réunion) - 2024

Ce label vise à adapter les logements situés en altitude (>600 m) aux conditions climatiques spécifiques de La Réunion, en améliorant le confort thermique et la durabilité des bâtiments. Pour en savoir plus


  1. Espace Tranqu'Ill – Habitat de l'Ill (Grand Est) - 2024

Un tiers-lieu dédié aux seniors, offrant des activités culturelles, sportives et numériques pour favoriser le lien social et le maintien à domicile. Pour en savoir plus


  1. Les Mots Nous Manquent – OPAC Saône-et-Loire (Bourgogne-Franche-Comté) - 2024

Création d'une bande dessinée en collaboration avec des familles syriennes pour faciliter leur intégration et valoriser la diversité culturelle. Pour en savoir plus 


  1. 17 rue des Quatre Cheminées – Seine Ouest Habitat et Patrimoine (Île-de-France) - 2024

Construction d'un immeuble de huit logements sociaux utilisant des matériaux biosourcés (bois, pierre, terre) et une toiture végétalisée, visant une faible empreinte carbone. Pour en savoir plus 


  1. Le Lab by Altémed – ACM Habitat (Occitanie) - 2024

Un laboratoire d'innovation managériale favorisant la créativité et l'expérimentation au sein de l'organisme pour améliorer les pratiques professionnelles. Pour en savoir plus


  1. Équilibre, l’Harmonie du Bois & du Béton – Promologis (Occitanie) - 2024

Projet architectural combinant bois et béton pour une construction durable, ayant reçu le prix "Coup de cœur" de la Banque des Territoires. Pour en savoir plus


  1. Montjovis - Limoges Habitat (Nouvelle-Aquitaine) – Prix de l’innovation bas carbone - 2021

Approche éco-responsable dans la construction ou la rénovation de logements. Pour en savoir plus


  1. Plaine Commune Habitat (Île-de-France) – Prix de l’innovation sociale - 2021

"Pack Emploi-Logement" : dispositif facilitant l'accès à l'emploi et au logement. Pour en savoir plus


  1. SDH (Auvergne-Rhône-Alpes) – Prix de l’innovation technique - 2021

"Le TOTEM, Opération Manag’r" : utilisation de nouvelles techniques de construction. Pour en savoir plus


  1. Valloire Habitat – « Mille aiguilles : plus que des points ! » - 2023

Un atelier de couture haut de gamme à Montargis, dédié à l’insertion professionnelle de femmes éloignées de l’emploi. Un projet qui lie savoir-faire, inclusion et retour à l’autonomie. Pour en savoir plus


  1. Lyon Métropole Habitat – « SPOT » - 2023

Un terrain multisports inclusif de 3 700 m² co-construit avec les habitants en quartier prioritaire, pour promouvoir santé, mixité et lien social en lien avec les JOP 2024. Pour en savoir plus






 
 
 

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